Langage médical inexact sur l’avortement

La BBC a déclaré qu’elle ne cessera pas de qualifier de « projet de loi du battement de cœur » les tentatives d’interdire l’avortement après six semaines de grossesse, et ce, bien qu'elle ait admis que cette expression, inexacte d’un point de vue médical, dénote un parti pris.

La FIGO (Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique) a rejoint une coalition des principales organisations de santé reproductive, notamment la Fédération internationale pour la Planification familiale (IPPF), la Marie Stopes International (MSI) et la Planned Parenthood Federation of America (PPFA), afin d’écrire à la BBC et lui demander de ne plus utiliser ce terme lors de ses reportages sur les tentatives de certains états des États-Unis d’introduire l’interdiction de l’avortement à partir de six semaines de grossesse.

Dans cette lettre, la coalition a mis en avant que :

  • Cette description, qui dénote un parti pris, a été inventée par les opposants à l’avortement légal et sécurisé dans le but de formuler le débat dans des termes empathiques et émotionnels qui leur sont propres.
  • L’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG), membre de la FIGO, a déclaré que ce terme est inexact d’un point de vue médical.
  • D’autres médias, tels que The Guardian, ont déjà annoncé qu’ils arrêteraient d’utiliser ce terme et qu’ils le remplaceraient par l'expression factuelle « interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse ».
  • Ajouter le terme « appelée » ou placer l'expression entre parenthèses ne corrige pas ce parti pris.

 

Dans sa réponse, Fran Unsworth, directrice des actualités et des affaires courantes à la BBC a déclaré :

"Je comprends parfaitement vos remarques sur l’utilisation de l'expression “projet de loi du battement de cœur” et nous ne souhaitons pas l’adopter pour décrire la législation." 

 

Toutefois, elle a continué en expliquant que cette expression était « désormais d’usage courant » et que la BBC ne cesserait pas de l’utiliser.

Jeanne Conry, présidente élue de la FIGO et ancienne présidente de l’ACOG, a commenté :

"L’accès à des soins de santé reproductive est devenu un débat à connotation politique, plutôt que de se centrer sur ce qu’il représente :  des soins médicaux pour des femmes faisant des choix en fonction de leurs besoins et souhaits en matière de soins de santé.   L’avortement et tous les débats concernant la santé reproductive et ses droits connexes, que ce soit au niveau politique ou médiatique, doivent s’appuyer sur la science et pas sur les émotions.  La FIGO s’oppose à l’utilisation d’une terminologie inexacte, comme celle de “projet de loi du battement de cœur”.  Nous soutenons l’utilisation de descriptions factuelles et appropriées du point de vue médical pour parler d’interventions médicales et nous attendons le même comportement de la part des médias.

La FIGO défend des soins de santé universels et de qualité pour toutes les femmes et les filles, notamment l’avortement sécurisé et l’accès à des moyens de contraception modernes.  La capacité de choisir d’avoir ou pas des enfants, et à quel moment, constitue un droit humain fondamental des femmes et nous rejetons toute ingérence de la législation dans leurs soins de santé."  

Lesley Regan, secrétaire honoraire de la FIGO et présidente du Royal College Obstetricians and Gynecologists (RCOG) a ajouté :

"Nous sanctionnons l'expression émotionnelle “projet de loi du battement de cœur” utilisée par les lobbyistes antiavortement puisqu’il ne s’agit pas d’un terme médical exact : il n’y a pas de battement de cœur à six semaines de grossesse. Nous félicitons les médias du monde entier qui prennent position contre l’utilisation de ce langage inexact d’un point de vue médical pour décrire la législation qui est introduite dans certains états des États-Unis afin de restreindre l’accès des femmes à l’avortement en introduisant une “interdiction d’avortement à six semaines de grossesse”.

Nous sommes toutefois déçus que la BBC refuse de cesser d'utiliser ce langage émotionnel et incendiaire qui est incorrect au regard des faits. Propager un langage qui vise à restreindre l’accès à l’avortement met en danger la santé et la vie des femmes. Nous savons désormais que les sanctions ne dissuadent pas les femmes de faire appel à l’avortement, mais les conduit plutôt vers des traitements non sécurisés ou les force à voyager pour obtenir de l’aide. "

Le docteur Alvaro Bermejo, directeur général de la Fédération internationale pour la Planification familiale, a affirmé : 

"La BBC ne peut pas reconnaître d'un côté le parti pris et l'inexactitude sur le plan médical de l'expression “projet de loi du battement de cœur”, puis déclarer qu’ils vont quand même l’utiliser.

Dire que c’est un terme “d’usage courant” n'est certainement pas une excuse, encore moins lorsque la BBC, qui revendiquait la semaine dernière encore avoir un public mondial hebdomadaire de 426 millions de personnes, partage la responsabilité de diffuser ce terme. 

Le langage autour de l’avortement légal a été transformé en arme par ceux qui veulent refuser l’accès des femmes à l’avortement, et les journalistes, spécialement ceux qui travaillent pour un média qui affirme être impartial et fiable, doivent se réveiller et se rendre compte qu'ils sont manipulés.

Cette expression a été choisie très soigneusement par les personnes qui veulent mettre fin à l’accès à l’avortement légal et par ceux qui exploitent les médias classiques pour introduire un langage empreint de parti pris dans le parler quotidien. Il est conçu pour dissimuler les répercussions dévastatrices de leurs projets sur les femmes et pour dévier la couverture médiatique. Il est nécessaire d’arrêter d’utiliser ce terme. Nous demandons à la BBC de revoir sa position."

 

À propos de la FIGO

La FIGO est une organisation professionnelle qui regroupe des associations d’obstétrique et de gynécologie du monde entier.

La FIGO a pour vision d’offrir aux femmes du monde entier le niveau le plus élevé possible de santé et de bien-être sur le plan physique, mental, reproductif et sexuel tout au long de leur vie. La FIGO fait figure de chef de file dans de nombreuses activités de programme mondial et met plus particulièrement l’accent sur l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est.

La FIGO entreprend des actions de plaidoyer d’envergure internationale, notamment en lien avec les objectifs de développement durable (ODD) relatifs à la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents et aux maladies non transmissibles (ODD 3). Elle travaille également à améliorer le statut des femmes et à leur permettre de participer activement pour exercer leurs droits sexuels et reproductifs, notamment en luttant contre les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre (ODD 5).

Enfin, elle fournit des services d’éducation et de formation à ses sociétés membres et renforce les capacités de celles issues de pays à faible niveau de ressources, par le renforcement du leadership et des bonnes pratiques et par la promotion du dialogue sur les politiques.

La FIGO entretient des relations officielles avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et opère à titre d’organe consultatif auprès des Nations Unies (ONU).

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Jennifer Crago
Directeur, Communications et défense des intérêts