Déclaration mondiale de la FIGO sur le diabète gestationnel

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HIP Declaration

Aujourd'hui, au Congrès mondial de la FIGO qui a lieu à Rio de Janeiro, le comité Grossesse et Maladies non transmissibles de la FIGO a organisé la signature de la Déclaration mondiale de la FIGO sur le diabète gestationnel. Cette déclaration est l'aboutissement de deux années de travail réunissant des représentants de gouvernements, d'organisations médicales professionnelles, d’organismes de santé publique, d’établissements de recherche, des communautés touchées et de groupes de la société civile pour que soit reconnue la nécessité de cibler le diabète gestationnel, l’une des pathologies les plus courantes au cours de la grossesse. Portée par l’élan venant des déclarations régionales en Asie du Sud, en Europe, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cette déclaration mondiale envoie au monde un message fort et clair sur l’urgence de s'intéresser à cette question et de prendre des mesures.

Alors qu’on estime qu’une naissance vivante sur 6 se produit chez une femme atteinte d’une forme ou d'une autre d’hyperglycémie pendant la grossesse, la liste des complications qui peuvent en résulter est impressionnante : hypertension, enfant mort-né, accouchement prématuré, nourrissons gros ou petits pour l'âge gestationnel, dystocie d’obstacle, hémorragies post-partum, infections, traumatismes de naissance, anomalies congénitales et décès de nouveau-nés dus à des problèmes respiratoires, et ainsi de suite.

Lors de la signature de la déclaration, le premier jour du Congrès, l’un des intervenants a souligné l'importance qu’elle revêt pour le Brésil, pays hautement prioritaire en raison de son taux élevé d’obésité et de diabète, et la nécessité absolue de faire plus pour les femmes, pas seulement pendant la grossesse, mais aussi avant et après. En signant cet engagement, les participants répondent à cet appel en demandant davantage de mesures, et ce, dès maintenant.

Déclaration mondiale de la FIGO sur le diabète gestationnel

Préambule

Entre 1990 et 2015, les efforts accomplis au titre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont abouti à une amélioration de la santé maternelle et néonatale. Au cours de cette même période, le taux de mortalité maternelle (RMM) a reculé de 44 %. Pour autant, malgré le lancement des Objectifs de développement durable (ODD) en 2015 et la poursuite des efforts en la matière, le RMM varie énormément selon la région concernée ou le revenu : si les régions à revenu élevé dénombrent 12 décès pour 100 000 naissances vivantes, dans certaines parties de l’Afrique subsaharienne, on en dénombre jusqu’à 546. Le taux annuel de mortalité reste inacceptable : 289 000 décès maternels, 2,6 millions d'enfants mort-nés, 5,9 millions de décès chez les enfants de moins de cinq ans, dont 2,7 millions de décès de nouveau-nés.

Les hémorragies, l'hypertension, la septicémie et la dystocie d’obstacle sont directement responsables d'un grand nombre de décès maternels. Des causes indirectes (des pathologies exacerbées par la grossesse, comme l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, le paludisme, le VIH, etc.) y contribuent également de manière significative : elles représentent actuellement plus de 28 % des décès maternels dans le monde. Pour réduire davantage la mortalité maternelle, il est impératif de redoubler d’efforts pour dépister, prévenir et traiter ces conditions.

L'obésité et le surpoids constituent un problème grandissant chez les femmes en âge de procréer partout dans le monde, avec de fortes variations régionales, se situant aux alentours de 20 % en Asie du Sud pour s’élever à plus de 90 % en Amérique du Nord et en Amérique centrale, en Afrique du Nord et en Afrique australe et en Asie de l'Ouest. D'après les estimations, 42 millions de grossesses sont impactées par le surpoids ou l'obésité maternels, ce qui augmente le risque de diabète gestationnel. Dans les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire (tranche inférieure), la dénutrition maternelle, le faible poids à la naissance et le retard de croissance, en particulier chez les filles, continuent d'être un gros problème. Les femmes nées avec un faible poids à la naissance ou atteintes de retard de croissance sont plus à risque de diabète sucré de la grossesse, même quand elles ont un poids normal ou en dessous de la normale avant la grossesse.

Le diabète sucré est devenu un grave problème de santé publique à l'échelle mondiale, sa prévalence étant en hausse parmi tous les groupes d'âge. D'après les estimations de la Fédération internationale du diabète, il affecterait quelque 415 millions de personnes dans le monde et ce chiffre devrait passer à 642 millions d’ici à 2040. Force est de constater également le fardeau élevé du prédiabète, qui touche environ 318 millions de personnes et devrait augmenter à 481 millions d'ici à 2040.

L'âge de l’apparition du prédiabète et du diabète ne cesse de baisser, de sorte qu’il affecte aussi les personnes plus jeunes en âge de procréer. Parallèlement à cela, l’âge de procréer augmente, si bien que plus de femmes entament leur grossesse avec des facteurs de risque les rendant vulnérables au diabète gestationnel. Qui plus est, les femmes nées avec un faible poids à la naissance ou atteintes de retard de croissance sont plus à risque de diabète gestationnel. Plus d'un tiers des personnes atteintes de diabète et la majorité de celles atteintes de prédiabète ne sont pas diagnostiquées et n'ont pas conscience de leur état, surtout parmi les jeunes et les femmes, faute de dépistage étant donné que le diabète est considéré, à tort, comme une maladie n'affectant que les personnes âgées.

L'hyperglycémie est aujourd'hui l'une des pathologies les plus fréquentes constatées pendant la grossesse. La Fédération internationale du diabète (FID) estime que 21 millions de naissances vivantes, soit 1 sur 6 (16,8 %), se produisent chez des femmes atteintes d'une forme ou d’une autre de diabète gestationnel, dont 2,5 % des cas peuvent être dus à un diabète clinique pendant la grossesse. Les 14,3 % restants (soit une grossesse sur sept) sont dus au diabète sucré de la grossesse, pathologie qui se développe suite aux changements hormonaux de la grossesse et se limite à la durée de la grossesse.

Le diabète gestationnel accroît sensiblement le risque de complications de la grossesse : hypertension, enfant mort-né, accouchement prématuré, nourrissons gros ou petits pour l'âge gestationnel, dystocie d’obstacle, hémorragies post-partum, infections, traumatismes de naissance, anomalies congénitales et décès de nouveau-nés dus à des problèmes respiratoires, hypoglycémie, etc. Faute de soins préventifs, près de la moitié des femmes atteintes de diabète gestationnel développeront ensuite un diabète de type 2 et une grande partie d’entre elles développeront une maladie cardiovasculaire prématurée dans les 10 ans suivant l'accouchement. Les enfants nés de femmes atteintes de diabète gestationnel sont eux-mêmes exposés à un très gros risque de devenir obèses plus tard et de présenter une apparition précoce du diabète de type 2. À ce titre, on peut dire que le diabète gestationnel perpétue le risque de diabète d'une génération à l'autre.

Lutter contre la malnutrition et l’obésité maternelles et contre le diabète gestationnel permet de réduire la mortalité maternelle, ainsi que la morbidité et la mortalité des nouveau-nés en diminuant le le risque de complications de la grossesse, comme les naissances prématurées, les enfants mort-nés, les anomalies congénitales, et les nourrissons petits ou gros, qui sont autant de problèmes graves pour la santé maternelle. Il s’agit là aussi d’une chance de rompre la chaîne de transmission intergénérationnelle du risque de développer un diabète, une maladie cardiovasculaire et des troubles du métabolisme.

Alors que le surpoids, l'obésité et l'augmentation de l'âge maternel indiquent un facteur plus élevé de développer un diabète gestationnel, dans la pratique, seule la moitié des femmes atteintes de diabète sucré de la grossesse présentent ces facteurs de risques, ce qui confirme l'argument en faveur du dépistage de l’hyperglycémie parmi toutes les femmes enceintes. Chez la plupart des femmes ayant reçu un diagnostic le diabète sucré de la grossesse, ce trouble peut être géré par un suivi et des conseils d'adaptation de l'alimentation et du mode de vie ; il est néanmoins possible que certaines requièrent un traitement médical et une orientation vers des soins spécialisés.

Après l'accouchement d'une femme, offrir à celles qui ont été atteintes de diabète sucré de la grossesse des soins préventifs touchant au mode de vie s’est avérée réduire leur risque futur de souffrir de diabète et de maladies cardiovasculaires. Un autre moyen contribuant à réduire le fardeau des complications pendant la grossesse et les interventions coûteuses plus tard consiste à améliorer les conseils prodigués avant la conception aux jeunes femmes et aux couples en âge de procréer à l'échelle communautaire. Il peut s'agir ainsi d'une évaluation de la santé et de conseils sur le mode de vie, tels que des conseils pratiques, portant sur la gestion du poids, l'alimentation et l’exercice physique.

Des preuves concrètes existent sur les avantages immédiats et à long terme, pour les individus, le système de santé et la société dans son ensemble, tant du point de vue de la santé que de l’économie, du dépistage, du diagnostic et de la prise en charge du diabète sucré de la grossesse et de l'offre de soins préventifs post-partum. C’est aussi le moyen de réaliser deux composantes importantes du troisième objectif de développement durable (la santé maternelle et néonatale et les maladies non transmissibles) au moyen d'une seule intervention globale.

Dans son rapport sur la prévention et la lutte contre les maladies non transmissibles qu’il a présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies le 19 mai 2011, le Secrétaire Général des Nations Unies a fait remarquer que

La prévalence croissante de l’hypertension artérielle, du diabète et du diabète gestationnel accroît le risque d’issue négative en matière de grossesse et de santé maternelle. L'amélioration de la santé et de l'alimentation maternelles joue un rôle important dans la réduction de l'apparition future de ces maladies chez les enfants.

La Déclaration politique de la réunion de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la prévention et la lutte contre les maladies non transmissibles qui s'est tenue à New York le 19 septembre 2011 note avec préoccupation

que la santé maternelle et infantile est intimement liée aux maladies non transmissibles et à leurs facteurs de risque, plus précisément parce que la malnutrition prénatale et le faible poids à la naissance des enfants prédisposent à l’obésité, à l'hypertension artérielle, aux maladies cardiaques et au diabète plus tard dans la vie, et que les pathologies au cours de la grossesse, telles que l’obésité maternelle et le diabète gestationnel, sont associées à des risques similaires chez la mère et chez son enfant » et plaide pour « la prise en compte de la prévention et de la lutte contre les maladies non transmissibles dans les programmes de santé en matière de sexualité et de procréation et dans les programmes de santé maternelle et infantile, en particulier au niveau des soins de santé primaires, ainsi que dans d’autres programmes le cas échéant ; il convient également d'intégrer des interventions couvrant ces domaines dans les programmes de prévention des maladies non transmissibles.

Au cours des deux dernières années, les dirigeants et les représentants d'organisations médicales professionnelles, d’organismes de santé publique, d’établissements de recherche, des communautés concernées, de la société civile, du secteur privé et des pouvoirs publics d’Asie du Sud, d’Europe, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont approuvé et appuyé les déclarations régionales visant à donner une plus grande priorité au diabète gestationnel.

La Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique (FIGO) et la Fédération internationale du diabète (FID) ont publié une déclaration commune le 6 décembre 2017 lors du Congrès mondial du diabète à Abou Dhabi résumant le problème de santé publique posé par le diabète gestationnel et appelant à une attention et une action de toute urgence.

À l’appui et en aboutissement de ces efforts mondiaux,

Nous, les participants au XXIIe Congrès mondial d'obstétrique et de gynécologie de la FIGO, qui s’est tenu à Rio de Janeiro entre le 14 et le 19 octobre 2018, déclarons par la présente

Que la santé maternelle et infantile est intimement liée aux maladies non transmissibles et à leurs facteurs de risque, plus précisément parce que la malnutrition prénatale et le faible poids à la naissance prédisposent à l’obésité, à l'hypertension artérielle, aux maladies cardiaques et au diabète plus tard dans la vie, et que les pathologies au cours de la grossesse, telles que l’obésité maternelle et le diabète gestationnel, sont associées à des risques similaires chez la mère et chez son enfant.

Que la grossesse offre une chance unique d'intégrer des services de santé maternelle et infantile à la promotion de la santé et la prévention des maladies non transmissibles, fournissant ainsi une passerelle pour créer des services qui soient davantage intégrés aux soins de santé primaires.

Que par conséquent les efforts de prévention et de lutte contre les maladies non transmissibles doivent commencer avec et se concentrer sur la préconception et la santé maternelle.

Qu'à moins de mesures prises de toute urgence pour lutter de manière systématique contre le problème de la nutrition, du surpoids et de l’obésité maternels et du diabète gestationnel, il est fort probable que les progrès accomplis ces dix dernières années en matière de santé maternelle et néonatale soient réduits à néant et que l’actuelle épidémie de diabète et d’obésité ne fasse que s’aggraver.

Que nous sommes décidés à lutter contre ce problème et à le transformer en une occasion d'améliorer l’état de santé des mères et de leurs nouveau-nés et à enrayer la montée des maladies non transmissibles et améliorer la santé future de la population.

Et nous convenons de

  • Entreprendre des actions, à titre individuel et collectif, en vue d'appuyer les efforts pour lutter contre le lien qui existe entre santé maternelle, obésité et diabète, et d'en faire une priorité de santé publique
  • Entreprendre des actions, à titre individuel et collectif, en vue d'appuyer les efforts visant à répondre aux besoins des femmes face au diabète gestationnel (y compris avant la grossesse et post-partum)
  • Accélérer la mise en œuvre, à l'échelle mondiale, de l'initiative de la FIGO contre le diabète sucré de la grossesse. Il s'agit pour cela, entre autres choses, de prendre des mesures politiques et de mobiliser des ressources propices à sa mise en œuvre et de faire en sorte qu’à l’occasion de leur consultation dans un établissement de santé, toutes les femmes enceintes soient soumises à un dépistage de l’hyperglycémie dans le cadre d'une procédure en une seule étape, telle que préconisée par la FIGO.
  • Appuyer les efforts visant à accroître la sensibilisation du public au diabète gestationnel et à ses répercussions sur la santé maternelle et infantile, et encourager la prestation de conseils pendant la période de préconception, les soins prénatals et le suivi de post-partum.
  • Encourager la délégation des tâches et soutenir la formation basée sur les rôles afin de renforcer les capacités de prévention, de diagnostic précoce et de traitement du diabète gestationnel, et de maintenir le contact sur une période prolongée avec le couple mère-enfant à haut risque en profitant du programme de vaccination de l’enfant, par des échanges et la collaboration avec d'autres professionnels de la santé.
  • Plaider en faveur de la continuité de l’accès (à des coûts abordables) à la pose de diagnostic, aux médicaments et à du personnel qualifié pour le diagnostic et la bonne prise en charge du diabète gestationnel à tous les niveaux de soins, tout en gardant à l’esprit l’aspect pratique pour les femmes enceintes.
  • Promouvoir et célébrer la Journée nationale de sensibilisation au diabète sucré de la grossesse dans nos pays, comme moyen d'attirer l'attention du public et de lui faire prendre conscience du problème.
  • Aider à l’élaboration et à l’exécution d’un programme de recherche fiable propices à la découverte de nouveaux outils et de nouvelles procédures pour améliorer le diagnostic au point d’intervention, le suivi et la prise en charge du diabète gestationnel ainsi que la capacité de dialoguer avec le couple mère-enfant, de le conseiller et d’en assurer le suivi à long terme. Ce programme doit être propice aussi à la réalisation de recherches opérationnelles pour améliorer la collaboration et l'efficacité des programmes existants, tout en gardant à l'esprit les réalités de la prestation de soins de santé dans différentes régions du monde.

Rio de Janeiro, le 15 octobre 2018.

Fin

 

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