Atonie utérine et utérotoniques dans les hémorragies du post-partum

La Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO) constate que l’hémorragie du post-partum (HPP) reste la principale cause de morbidité et de mortalité maternelles dans le monde. En 2022, le Comité de la FIGO sur l’accouchement et l’HPP a publié un numéro spécial du Journal international de gynécologie et d’obstétrique (IJGO) consacré à la prise en charge de l’HPP.1 La publication a révélé qu’en dépit des efforts de collaboration, la mise en œuvre de recommandations en matière de prise en charge reste insuffisante et que les directives unifiées font défaut pour lutter contre cette affection potentiellement mortelle. La publication résume les meilleures données disponibles en matière de prévention et de traitement de l’HPP. Les utérotoniques représentent un élément clé de l’arsenal disponible pour sauver la vie des femmes en prévenant ou en traitant l’HPP. 

Hémorragie du post-partum : les facteurs contributifs 

L’HPP est responsable du décès de 70 000 femmes par an, la plupart de ces décès survenant en Afrique et en Asie du Sud.2 Il s’agit de l’une des causes les plus fréquentes de décès maternel, indépendamment du revenu ou du contexte médical. L’anémie maternelle, qui peut découler d’irrégularités menstruelles, du régime alimentaire et de maladies chroniques sous-jacentes, est fréquente et constitue un facteur de risque reconnu pour l’HPP.3 La FIGO reconnaît que les limitations passées et présentes concernant l’accès à du personnel qualifié et à des ressources essentielles telles que des systèmes d’eau propre, un régime alimentaire nutritif, des possibilités d’éducation et des soins de santé, en particulier en ce qui concerne les troubles menstruels, contribuent à des taux d’anémie plus élevés dans certaines communautés.4 Au niveau mondial, 29,9 % des femmes en âge de procréer sont anémiques, mais les taux sont nettement plus élevés en Afrique centrale et occidentale ainsi qu’en Asie du Sud. Aux États-Unis, l’anémie est plus fréquente chez les femmes noires que dans d’autres groupes raciaux ou ethniques. Ces disparités raciales peuvent résulter, entre autres, d’un risque plus élevé de carence en nutriments, d’une exposition plus importante aux infections, notamment au VIH et au paludisme, et d’un accès plus limité aux soins de santé.3 

Parmi les autres facteurs importants contribuant à l’HPP figurent les infections et les parasites, ainsi que les affections entraînant une distension utérine, telles que l’hydramnios, la gestation multiple ou une placentation anormale. De même, les conditions qui contribuent à l’atonie utérine, telles que les infections, les défauts de coagulation et l’utilisation de sulfate de magnésium, peuvent augmenter le risque d’HPP. 

La FIGO rappelle aux cliniciens la nécessité d’identifier les causes les plus courantes d’HPP lorsqu’ils anticipent ou évaluent le profil clinique. Pour mémoire, il s’agit du tonus, des déchirures, du tissu et de la thrombine.1 Les cliniciens doivent comprendre que tout traitement qui évite les conditions de survenue de l’HPP est idéal, et que l’identification ou le traitement des facteurs de risque est donc une condition préalable. Il est important de noter que l’HPP survient aussi bien dans les milieux à revenus élevés que dans les milieux à revenus faibles ; la probabilité qu’une femme meure des suites d’une HPP est cependant plus élevée dans les milieux où les ressources sont insuffisantes.5 La prévention ainsi qu’une prise en charge rapide et systématique de l’HPP sont donc indispensables à une amélioration de la situation.  

Atonie utérine 

Bien que la définition, le diagnostic et la prévalence de l’atonie utérine puissent varier d’un contexte à l’autre, on estime que l’atonie utérine, ou l’insuffisance du tonus utérin, est à l’origine de 70 à 80 % des hémorragies du post-partum et que, dans la plupart des cas, elle doit être suspectée en premier lieu dans l’étiologie de l’hémorragie du post-partum.6 Récemment, certains auteurs ont remis en question l’atonie utérine en tant que facteur responsable de l’HPP et ont suggéré que l’atonie utérine pourrait être une « opinion » des cliniciens traitants, en l’absence de preuves scientifiques démontrant que les utérotoniques ont un effet quelconque sur la mortalité maternelle.7  

Nous les invitons à consulter une méta‐analyse portant sur près de 200 études et 136 000 femmes qui a démontré que les utérotoniques réduisent les taux d’HPP lors des accouchements par voie vaginale et par césarienne.8 En outre, l’étude récente menée par E-MOTIVE auprès de 80 hôpitaux et de plus de 200 000 femmes en Afrique a révélé que la détection précoce de l’HPP associée à un traitement consistant en une approche d’ensemble permettait de réduire l’HPP et le nombre de décès. Ces résultats reposaient sur la mesure de la perte de sang et sur des traitements rapides de première intervention avec massage utérin, médicaments ocytociques, acide tranexamique, liquides intraveineux, examen et prise de mesures rapides.9 D’après la FIGO, il ne fait aucun doute que les utérotoniques sont essentiels et qu’ils doivent faire partie intégrante d’une approche d’ensemble systématique. 

La nécessité des utérotoniques 

La FIGO propose une « approche d’ensemble » pour la prise en charge de l’HPP, les utérotoniques constituant un élément fondamental. Les facteurs de risque de l’HPP sont anticipés grâce à une telle approche de soins d’ensemble, qui recommande la réactivité, la détection, l’intervention et le signalement. La première étape est la réactivité, et l’utilisation d’utérotoniques pour le troisième stade du travail pour tous les accouchements est un élément important. Si une femme présente une HPP, il est recommandé de mettre en œuvre une approche d’ensemble de « première intervention », avec des utérotoniques, des cristalloïdes, un massage utérin et de l’acide tranexamique, suivie d’une approche d’ensemble de « réponse à l’HPP réfractaire » qui maintient les utérotoniques et l’acide tranexamique, mais qui peut être accompagnée d’approches de compression et de tamponnement utérin. Une HPP réfractaire est définie comme une hémorragie nécessitant des interventions de deuxième intention, y compris trois utérotoniques ou plus, une compression utérine bimanuelle, un tamponnement intra-utérin par ballonnet/des dispositifs de contrôle de l’hémorragie par aspiration, ou un traitement chirurgical tel que la réparation d’une lacération cervicale ou vaginale haute, l’exploration de la cavité utérine, des procédures de dévascularisation chirurgicale, des sutures de compression utérine ou une hystérectomie.10 

La FIGO et la Fédération internationale des sages-femmes (ICM) ont récemment publié une déclaration commune sur l’utilisation des utérotoniques pendant la prise en charge active du troisième stade du travail pour prévenir l’HPP et ont décrit les avantages et les inconvénients de chacun des médicaments disponibles.11 La déclaration inclut également la formation du personnel accompagnant les accouchements.  

Position de la FIGO face à ce problème 

L’HPP résulte très souvent d’une atonie utérine, selon les données actuellement disponibles, et l’utilisation d’utérotoniques devrait faire partie intégrante de l’ensemble des soins. Une détection et un traitement précoces sont primordiaux. 

En raison de la complexité de l’HPP, l’utilisation d’utérotoniques peut s’avérer insuffisante. Les facteurs prédisposant à l’HPP contribuent également à l’augmentation de la mortalité maternelle. Il s’agit notamment de l’anémie, d’une nutrition inappropriée, d’un accès insuffisant aux soins de santé primaires et de populations marginalisées par des circonstances sociales, raciales et économiques. Il est essentiel de fournir des soins de santé préventifs et équitables tout au long de la vie des femmes, de l’adolescence aux années de procréation. 

La FIGO se consacre à l’amélioration de la santé et des droits des femmes et à la réduction des inégalités dans les soins offerts aux femmes et aux nouveau-nés dans le monde entier. À ce titre, la FIGO reconnaît l’influence du racisme structurel sur les disparités dans les taux d’anémie et l’incidence de l’HPP, ainsi que le besoin urgent de se pencher sur ces paramètres sociaux dans le cadre d’une approche holistique de la santé des femmes. 

Les recommandations de la FIGO 

  • Tous les prestataires de soins de santé doivent se familiariser avec les facteurs qui prédisposent à l’hémorragie du post-partum et les groupes de patientes les plus exposées, depuis les soins de santé pendant la préconception jusqu’à la grossesse et l’accouchement. 
  • L’anémie doit être traitée de manière proactive par un traitement à base de fer, en envisageant la possibilité d’une perfusion intraveineuse lorsqu’elle est modérée ou sévère. 
  • Une approche d’ensemble systématique impliquant la réactivité, la détection, l’intervention et le signalement doit être mise en œuvre dans chaque centre d’accouchement. 
  • Les éléments de l’étude E-MOTIVE devraient être adoptés partout. 
  • Les cliniciens et les établissements qui prodiguent des soins aux femmes pendant l’accouchement doivent prévoir la mise en place et l’entretien régulier de processus et de fournitures permettant d’assurer des mesures préventives de routine et de réagir rapidement aux situations d’urgence en cas d’HPP. 
  • Tous les systèmes de santé et tous les cliniciens doivent dispenser une formation appropriée en matière de prévention, de diagnostic et de traitement de l’HPP. 
  • Un engagement a été pris pour détecter et résoudre le racisme systémique qui a un impact négatif sur la prestation des soins et leurs résultats, à tous les niveaux. 

Les engagements de la FIGO 

La FIGO s’engage à promouvoir et à défendre la réduction de la morbidité et de la mortalité maternelles, dont l’un des éléments est l’utilisation réussie et avisée des utérotoniques. La FIGO reconnaît que pour sauver la vie des femmes, il convient d’améliorer leur santé et leur bien-être tout au long de leur vie dans le cadre d’une approche fondée sur le cycle de vie. Citons les recommandations de l’étude de l’IJGO : 

  • La FIGO fera campagne et collaborera avec d’autres organisations internationales pour réduire la mortalité et la morbidité maternelles dues à l’HPP. 
  • La FIGO travaillera avec toutes les sociétés nationales en collaboration avec le personnel infirmier et les sages-femmes pour faire pression sur leurs organisations régionales et nationales respectives afin de promouvoir et de mettre en œuvre ces recommandations. 
  • Toutes les sociétés d’obstétrique et de gynécologie, en collaboration avec d’autres sociétés de soins de santé, doivent adopter une stratégie pour la prévention et le traitement efficaces de l’HPP. 
  • Toutes les sociétés nationales doivent faire pression sur leurs gouvernements locaux pour mettre en place une approche d’ensemble de l’HPP et assurer la disponibilité des fournitures médicales et du matériel chirurgical nécessaires à la prise en charge de l’HPP dans toutes les régions de leur pays. 
  • Tous les systèmes de santé ont le devoir de fournir des soins respectueux de la femme, du nourrisson et de la famille. Les systèmes de santé doivent fournir des médicaments appropriés et efficaces, de l’eau, de l’oxygène, du matériel, des formations et des dispositifs de transfert afin de réduire la morbidité et la mortalité maternelles. 

La FIGO remplira ses engagements : 

  • en développant et en diffusant des ressources sur les utérotoniques, y compris la complexité de la prévention et du traitement de l’HPP, à l’intention des professionnels de la santé, 
  • en influençant les systèmes de santé, les décideurs politiques et les prestataires pour les sensibiliser à la portée de la santé préconceptionnelle et des soins de grossesse sur la santé de leurs populations, 
  • en plaidant en faveur d’un renforcement des capacités des gynécologues, des obstétriciens, des professionnels de la santé au contact des patientes et des éducateurs en périnatalité, 
  • en plaidant en faveur de ressources qui soutiennent la collecte de données et les mécanismes de surveillance à l’échelle nationale et institutionnelle afin d’évaluer et de contrôler les taux d’HPP et les pratiques de prise en charge, 
  • en plaidant pour des soins sûrs et respectueux, notamment en abordant le racisme systémique. 

Références 

  1. Escobar, MF, Nassar, AH, Theron, G et al. FIGO recommendations on the management of postpartum hemorrhage 2022. Int J Gynecol Obstet. 2022; 157(Suppl. 1): 3–50. doi:10.1002/ijgo.14116 
  2. WHO postpartum haemorrhage (PPH) summit. September 29, 2022. https://www.who.int/publications/m/item/who-postpartum-haemorrhage-(pph…;
  3. FIGO. La carence en fer et l’anémie chez les femmes et les jeunes filles. https://www.figo.org/fr/resources/figo-statements/iron-deficiency-and-a…;
  4. An Analysis of Societal Determinant of Anemia among Adolescent Girls in Azad Jammu and Kashmir, Pakistan (N. Habib et al, 2020) doi: 10.1155/2020/1628357 
  5. The WOMAN-2 trial collaborators. Maternal anaemia and the risk of postpartum haemorrhage: a cohort analysis of data from the WOMAN-2 trial. Lancet Glob Health 2023; 11: e1249–59 
  6. Postpartum Hemorrhage Practice Bulletin No 183. The American College of Obstetricians and Gynecologists. Obstet.Gynecol 2017. 130: e168-186. 
  7. Bukhi, Talan. Understanding Postpartum Haemorrhage. Lancet. Vol 402 August 19, 2023. 
  8. Gallos ID, Papadopoulou A, Man R, et al. Uterotonic agents for preventing postpartum haemorrhage: a network meta-analysis. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Dec 19;12(12):CD011689. doi: 10.1002/14651858.CD011689.pub3 
  9. Gallos, et al, 2023. Randomized Trial of Early Detection and Treatment of Postpartum Hemorrhage N Engl J Med 2023;389:11-21. DOI: 10.1056/NEJMoa2303966 
  10. Liu LY, Nathan L, Sheen JJ, Goffman D. Review of Current Insights and Therapeutic Approaches for the Treatment of Refractory Postpartum Hemorrhage. Int J Womens Health. 2023 Jun 1; 15:905-926. doi: 10.2147/IJWH.S366675 
  11. FIGO et ICM. Déclaration commune de recommandation pour l’utilisation d’utérotoniques pour la prévention de l’hémorragie du post-partum. https://www.figo.org/fr/d%C3%A9claration-jointe-recommandation-ut%C3%A9…;

 

Pour toute question

FIGO: Rob Hucker, Head of Communications, Engagement and Events

[email protected]

+44 (0) 7383 025 731


Référencement de cette déclaration

International Federation of Gynecology and Obstetrics. Atonie utérine et utérotoniques dans les hémorragies du post-partum . 2023. Available from: Uterine atony and uterotonics in postpartum haemorrhage