Prise de position de la FIGO sur l'induction de l'asystolie fœtale dans les avortements à un stade avancé de la gestation

L'induction de l'asystolie fœtale fait référence à la procédure médicale qui provoque intentionnellement l'arrêt du cœur du fœtus (cardioplégie). Dans le cadre d'avortements à un stade avancé de la gestation, une cardioplégie est parfois pratiquée pour s'assurer que le fœtus n'est pas mis au monde avec des signes de vie.1 Cette approche est généralement adoptée pour répondre aux demandes maternelles, aux croyances religieuses, pour éviter les implications légales et éthiques potentielles d'une naissance vivante et pour des raisons techniques. 

L'avortement provoqué à un stade avancé de la gestation peut être nécessaire pour un certain nombre de raisons (voir notre prise de position Improving access to abortion beyond 12 weeks of pregnancy (Améliorer l'accès à l'avortement au-delà de 12 semaines de grossesse)). Par conséquent, une formation fondée sur des données probantes et un équipement adéquat devraient être disponibles pour garantir sa sécurité et sa disponibilité dans tous les contextes, conformément aux lois locales.

Considérations éthiques

L'induction de l'asystolie fœtale, en particulier dans le contexte des avortements à un stade avancé de la gestation, est une question très sensible. Les considérations éthiques portent principalement sur les points suivants.

Viabilité

La viabilité est définie comme le moment où un fœtus peut potentiellement survivre en dehors de l'utérus, généralement considéré comme se situant aux alentours de 24–28 semaines de gestation. L'âge gestationnel à partir duquel la survie extra-utérine est possible dépend du contexte et des moyens techniques disponibles, et n'a pas été défini par un nombre absolu de semaines de gestation ou de poids.†

Bien que la viabilité soit un concept médical pertinent pour les soins néonatals et intensifs dans le contexte des accouchements prématurés spontanés ou médicalement indiqués, elle est souvent associée aux lois locales relatives aux avortements provoqués.

L'âge gestationnel à partir duquel une survie extra-utérine est possible dépend du contexte et des moyens techniques disponibles, mais en général, des signes de vie transitoires peuvent être observés à partir de la 20ème semaine. L'âge gestationnel le plus précoce auquel la survie a été obtenue avec les technologies les plus avancées est d'environ 23 semaines. 

Dans le cadre d'un avortement provoqué à un stade avancé de la gestation, quelle qu'en soit la raison, l'induction d'une asystolie fœtale doit être envisagée au moins à l'âge gestationnel le plus bas auquel la survie sans intervention est possible. Cette limite dépend des ressources techniques disponibles dans chaque pays ou région. Les décisions cliniques doivent être adaptées et appropriées au cadre légal et médical dans lequel les services sont dispensés, et selon l'interprétation la plus large de la loi, c'est-à-dire celle qui protège le mieux les droits fondamentaux de la personne enceinte.

Douleur fœtale

La question de la douleur fœtale pendant la cardioplégie et les avortements à un stade avancé de la gestation est controversée. Les recherches suggèrent que les voies structurelles permettant de ressentir de la douleur se développent vers la 29ème semaine de grossesse, et il est peu probable que le fœtus puisse ressentir de la douleur jusqu'à la naissance.2,3 En effet, la capacité à percevoir des sensations et des émotions douloureuses dépend de plusieurs facteurs, allant des fonctions des structures neurologiques qui se développent tout au long de la période fœtale (à partir de la 24 –28ème semaine) aux expériences psychologiques et sociales qui n'ont lieu qu'après la naissance.

La cardioplégie avant l'intervention garantit que le fœtus ne souffre pas après la naissance et empêche l'accouchement d'un nouveau-né vivant au cours d'une procédure d'avortement.

Implications légales

Dans certains pays, la réalisation d'une asystolie fœtale est légalement requise dans les avortements à un stade avancé de la gestation, afin d'éviter la possibilité d'une naissance vivante, ce qui peut avoir des implications légales, éthiques, médicales et émotionnelles, tant pour les patientes que pour les professionnels de santé.

Bien que l'induction de l'asystolie fœtale doive être considérée comme une intervention de santé ne nécessitant pas de réglementation en dehors du contexte sanitaire, les pays et territoires ont des lois différentes concernant la gestation à partir de laquelle cette procédure est requise, ou même si elle est autorisée.

Indications pour l'induction de l'asystolie fœtale

Indications médico-légales

Dans certains pays ou territoires, les lois relatives à l'avortement pendant la période de viabilité ou après celle-ci exigent l'induction d'une asystolie fœtale avant que d'autres procédures d'avortement ne soient pratiquées. Les limites légales de l'âge gestationnel pour l'avortement sont très variées dans le monde. Lorsque l'avortement est autorisé dans de telles circonstances à un stade de la grossesse où la survie extra-utérine est possible (avant ou après la viabilité), une cardioplégie doit être pratiquée, afin d'éviter une naissance vivante involontaire résultant de l'intervention (à court ou à long terme).

Indications éthiques

Dans de nombreux établissements hospitaliers, les normes éthiques et les politiques hospitalières exigent une réanimation néonatale en cas de signes de vie à la naissance à un âge gestationnel viable. Si l'intention est de pratiquer un avortement, une cardioplégie peut être réalisée afin de s'assurer que le fœtus ne présentera aucun signe de vie à la naissance, évitant ainsi toute implication politique liée à la réanimation néonatale et à la prématurité iatrogène.

Demande de la mère

Dans certaines circonstances, une patiente peut demander une asystolie fœtale pour des raisons sociales, culturelles ou religieuses. Dans ces situations, les risques et les avantages de la cardioplégie doivent être évoqués pour permettre une prise de décision partagée concernant l'induction de l'asystolie fœtale à la demande de la mère. Les risques sont liés à une injection accidentelle dans la circulation sanguine maternelle, à une infection et à une gêne au site de ponction. Les avantages pour la mère peuvent inclure une diminution du flux sanguin utérin et des intervalles plus courts entre le déclenchement et le décès du fœtus.

Méthodes d'induction de l'asystolie fœtale

Plusieurs méthodes sont utilisées pour induire une asystolie fœtale pendant les avortements périnataux et postnataux.4 Le choix de la méthode d'induction de l'asystolie fœtale dépend de la disponibilité locale–régionale de médicaments, ainsi que de la formation et des préférences du prestataire, après avoir présenté les options disponibles à la patiente.

Injection de chlorure de potassium5,6

  • Le chlorure de potassium (KCI) est injecté directement dans le cœur du fœtus ou dans la veine ombilicale sous guidage échographique.
  • Cette méthode induit une asystolie fœtale (arrêt cardiaque) presque immédiatement7 dans plus de 99 % des cas avec une formation et des compétences adéquates.
  • Dose : 5–15 mL de solution de KCl (2 mEq/mL) administrée par paliers de 5mL.

Injection de lidocaïne8

  • La lidocaïne, un médicament plus largement disponible, est injectée directement dans le cœur du fœtus ou par voie intrathoracique, sous guidage échographique, provoquant une asystolie fœtale dès la première dose dans 99 % des cas en cas d'injection intracardiaque et 97 % en cas d'injection intrathoracique.
  • Dose : 20 ml de lidocaïne à 1 % ou 10 ml de lidocaïne à 2 %. Une seconde dose peut être nécessaire ; une dose maximale de 480 mg de lidocaïne est sans danger.

Injection de digoxine9,10

  • La digoxine est injectée dans le sac amniotique ou directement dans le fœtus 24 à 48 heures avant une procédure d'avortement.
  • L'injection peut être réalisée par voie transabdominale ou transvaginale au moment de la préparation du col avant la dilatation et l'évacuation.
  • Elle est techniquement plus facile, et peut même être réalisée sans guidage échographique, mais prend plus de temps pour provoquer la mort du fœtus et son efficacité est variable en fonction de l'endroit où elle est injectée. En cas d'injection, l'efficacité intracardiaque peut être supérieure à 99 % dans les minutes qui suivent. L'injection intra-fœtale est efficace à plus de 98 %, généralement dans les 6 heures. L'injection intraamniotique est efficace à 92 % après 24 heures.
  • Dose : 1 mg (intra-fœtal) à 2 mg (intra-amniotique) de digoxine.

Transection du cordon ombilical

  • Dans certains cas, il est possible de couper le cordon ombilical pour interrompre l'apport sanguin du placenta. Cette méthode est généralement utilisée dans le cadre d'avortements chirurgicaux s –par dilatation et évacuation.
  • L'arrêt du mouvement cardiaque fœtal après la section du cordon peut prendre plusieurs minutes.

Conclusion

L'induction de l'asystolie fœtale dans les avortements à un stade avancé de la grossesse est une question complexe et délicate qui soulève des préoccupations d'ordre social, légal et éthique. Elle est généralement pratiquée pour s'assurer de l'absence de signes de vie pendant une procédure d'avortement ou pour éviter la survie, conformément à la définition de l'avortement provoqué.‡ Il existe plusieurs méthodes sûres et efficaces pour réaliser une cardioplégie. 

Les prestataires de soins de santé impliqués dans ces procédures doivent connaître les lois locales, les directives éthiques et les circonstances médicales spécifiques qui permettent ou nécessitent l'induction de la cardioplégie fœtale. Une communication claire avec les patients concernant les raisons, le déroulement et les implications de l'intervention est également essentielle pour garantir une prise de décision partagée et des soins prodigués avec compassion.

Références

† Ni la FIGO ni l'OMS n'ont pris de position sur l'âge gestationnel de viabilité, car celle-ci varie considérablement en fonction des ressources, du contexte et de l'état du fœtus.

‡ Selon l'Organisation mondiale de la santé (2019), Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, l'interruption artificielle de grossesse (également appelée avortement provoqué, avortement légal, réduction fœtale) est définie par la CIM-11 comme l'expulsion ou l'extraction complète d'un embryon ou d'un fœtus d'une femme (quelle que soit la durée de la grossesse), à la suite d'une interruption délibérée d'une grossesse en cours par des moyens médicaux ou chirurgicaux, qui n'est pas destinée à donner lieu à une naissance vivante. 

1 Diedrich J, Goldfarb CN, Raidoo S, Drey E, Reeves MF, avec l'assistance de Jessica Atrio, Vinita Goyal et Sarah Prager pour le compte du Clinical Affiars Committee et de Lorie Harper pour le compte de Society for Maternal-Fetal Medicine. Society of Family Planning Clinical Recommendation: Induction of fetal asystole before abortion Jointly developed with the Society for Maternal-Fetal Medicine (Recommandation clinique de la Société de planification familiale : Induction de l'asystolie fœtale avant l'avortement. Conjointement développée avec Society for Maternal-Fetal Medicine). Contraception. 2024 Nov;139:110551

2 Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. RCOG Fetal Awareness Evidence Review (Analyse des éléments de preuve concernant la conscience fœtale), décembre 2022. Londres : RCOG, 2022.

3 Lee SJ, Ralston HJ, Drey EA, Partridge JC, Rosen MA. Fetal pain: a systematic multidisciplinary review of the evidence (Douleur fœtale : une étude systématique multidisciplinaire des éléments de preuve). JAMA. 2005 août 24;294(8):947-54. doi : 10.1001/jama.294.8.947.

4 Tufa TH, Prager S, Lavelanet AF, Kim C. Drugs used to induce fetal demise prior to abortion: a systematic review (Médicaments utilisés pour indure le décès fœtal préalablement à l'avortement : une étude systématique). Contracept X. 2020 Nov 9;2:100046

5 Singh S., Seligman N.S., Jackson B., Berghella V. Fetal Intracardiac potassium chloride injection to expedite second-trimester dilation and evacuation (Injection de chlorure de potassium fœtale intracardiaque pour accélérer la dilation et l'évacuation lors du deuxième trimestre). Fetal Diagn Ther. 2012;31:63–68.

6 Govender L., Moodley J. Late termination of pregnancy by intracardiac potassium chloride injection: 5 years’ experience at a tertiary referral Centre (Interruption de la grossesse par injection de chlorure de potassium intracardiaque : 5 ans d'expérience dans un Centre de référence tertiaire). S Afr Med J. 2013;103:47–51.

7 Sfakianaki A.K., Davis K.J., Copel J.A., Stanwood N.L., Lipkind H.S. Potassium chloride–induced fetal demise (Décès fœtal induit par une injection de chlorure de potassium). J Ultrasound Med. 2014;33:337–341

8 Reeves MF, Goldfarb CN, Rubin SL, Kuperstock JL, DiBianco L, Picciotto A. Transabdominal lidocaine to induce fetal demise : a cohort study (Lidocaïne transabdominale pour induire le décès fœtal : une étude de cohorte). BMJ Sex Reprod Health. 2022 Oct ; 48(4):275-280. doi : 10.1136/bmjsrh-2021-201350.

9 Dean G., Colarossi L., Lunde B., Jacobs A.R., Porsch L.M., Paul M.E. Safety of digoxin for fetal demise before second-trimester abortion by dilation and evacuation (Sécurité de la digoxine pour le décès fœtal avant l'avortement lors du deuxième trimestre par dilation et évacuation). Contraception. 2012;85:144–149

10 Tocce K., Sheeder J.L., Edwards L.J., Teal S.B. Feasibility, effectiveness and safety of transvaginal digoxin administration prior to dilation and evacuation (Faisabilité, efficacité et sécurité de l'administration transvaginale de digoxine avant la dilation et évacuation).

À propos de la FIGO

La FIGO est une organisation professionnelle qui regroupe plus de 130 associations d'obstétrique et de gynécologie du monde entier. La vision de la FIGO est que les femmes du monde entier atteignent les normes les plus élevées possibles en matière de santé et de bien-être physique, mental, reproductif et sexuel tout au long de leur vie. Notre travail pour réaliser cette vision repose sur quatre piliers : l'éducation, la mise en œuvre de la recherche, le plaidoyer et le renforcement des capacités.

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Référencement de cette déclaration

Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique. Prise de position de la FIGO sur l'induction de l'asystolie fœtale dans les avortements à un stade avancé de la gestation. 2025. Disponible à l'adresse suivante : www.figo.org/fr/ressources/figo-statuts/figo-position-statement-inducti…